Harold Mayer, Président du sous-comité de développement inclusif de Business Mauritius, discute de la croissance inclusive et de son importance pour le développement économique et social de Maurice. Il animait, le 7 mars 2023, un Talk sur ce thème, à l’intention des leaders du groupe ENL.
Dans cet entretien, il revient sur le rôle des entreprises dans la lutte contre la pauvreté et sur les mesures préconisées par Business Mauritius pour encourager une croissance qui ne laisse personne sur le bas-côté du développement.
Vous estimez que la lutte contre la pauvreté n’a pas progressé ces 25 dernières années. Pourquoi ? Et quel rôle doivent jouer les entreprises dans ce combat ?
Effectivement, depuis l’indépendance de Maurice, il y a eu des progrès spectaculaires dans tous les domaines sauf au niveau du nombre de familles qui se retrouvent enfermées dans le cercle vicieux de la pauvreté. Par exemple, l’échec scolaire au CPE (d’enfants issus à 95 % de ces familles) n’a absolument pas évolué.
Le « premier rôle » dans la lutte contre la pauvreté revient à l’État, mais seul, il n’a pas tous les outils. La société civile, c’est-à-dire chacun d’entre nous, les ONG et le secteur privé, peut contribuer de façon significative.
Le secteur privé a des moyens financiers et un savoir-faire considérables. Il emploie environ 500 000 personnes qu’il peut influencer et encourager à s’impliquer aussi dans cette lutte.
À travers le CSR, les fondations et aussi des initiatives ponctuelles, les entreprises ont déjà beaucoup œuvré pour l’inclusion sociale. Comment faire aujourd’hui pour systématiser ces actions ?
Effectivement, ils contribuent beaucoup déjà... et nous les remercions pour cela. Collectivement, nous n’avançons pas beaucoup malgré cela. Il faut donc redoubler d’efforts et de créativité pour trouver des réponses plus pertinentes au problème.
Vous avez trouvé le mot clef : comment « systématiser » ces actions ? Énormément d’efforts sont investis dans des actions, avec du cœur certes, mais sans grand impact. Il faut arriver à une approche « systématique » qui emmènera des résultats plus conséquents à terme.
Business Mauritius a émis des « guidelines » sur la croissance inclusive. Quel en est l’esprit et quelle en est l’utilité ?
Business Mauritius a quelque 1 200 entreprises membres et a pris la sage décision de jouer un rôle proactif dans le domaine de l’Inclusive Growth (IG). Le comité IG a donc développé, avec l’aide d’ONG, des IG Guidelines qui s’adressent à toutes les entreprises de Maurice.
L’esprit de ces guidelines est très simple. Il s’agit de faciliter la tâche aux entreprises pour qu’elles puissent engager des actions « systématiques » sous 7 thèmes. Ces thèmes sont : Non-financial support to NGOs and vulnerable groups, Employee engagement/involvement, Support to needy/vulnerable employees within the organisation, Inclusive employment, Promotion of gender equality, Financial contribution to NGOs, community-based projects and vulnerable groups, et le Fourth sector/social enterprise.
Beaucoup de chefs d’entreprise veulent impliquer davantage leurs firmes et leurs employés, mais ne savent pas comment faire.
Les guidelines que nous avons développées sont des actions très pratiques qui peuvent être mises en œuvre et qui permettent d’avoir un impact important sur les personnes exclues et démunies au sein de notre société.
Qui plus est, les entreprises en sortiront gagnantes grâce à l’esprit d’équipe que ces actions génèrent, et surtout en donnant du soutien à ceux qui travaillent dans leurs entreprises.
Nous recommandons à tous les chefs d’entreprise de lire ces guidelines et de s’en inspirer pour agir. We need to walk the talk.
Vous avez dit que « le plus important, ce n’est pas l’argent, c’est le temps des gens qui ont beaucoup de compétences » et vous préconisez la mise sur pied d’un « social leave » pour les employés. Pourquoi ?
Effectivement, l’une des mesures préconisées dans nos guidelines est de donner aux employés une demi-journée, ou plus, de paid time-off afin qu’ils puissent donner de leur temps à une action communautaire.
Imaginez l’impact si toutes les entreprises à Maurice encourageaient leurs employés à donner du temps à une entreprise sociale.
J’ai eu de la chance d’avoir des employeurs qui m’ont toujours encouragé et soutenu dans mes entreprises sociales et j’ai pu voir l’impact sur le terrain.
Malheureusement, la plupart des gens avec des compétences d’entrepreneuriat et de leadership sont souvent engagées dans le business sector. Si ces gens pouvaient consacrer 5 à 10 % de leur temps et de leurs compétences au service du social, cela changerait énormément de choses sur le terrain. Leur implication emmènerait de l’entrepreneurship, du leadership et plus de moyens financiers suivraient. Money follows good projects and good projects need entrepreneurship, leadership and management skills.
Quelles mesures peuvent être mises en place par les entreprises pour aider leurs employés se trouvant au bas de l’échelle ?
Souvent, les entreprises se concentrent sur des actions « en dehors » de leur périmètre. Il faut bien sûr continuer cela.
Mais au sein-même des entreprises, parmi leurs employés, il y a beaucoup de hardship cases. À Maurice, les pauvres ne sont pas des chômeurs, mais des working poors à 90 %. Beaucoup d’entre eux sont ceux qui touchent le minimum wage.
Les guidelines de Business Mauritius proposent 13 actions concrètes pour accompagner les démunis qui travaillent. Parmi elles : l’Open-Door Policy, qui préconise que ceux qui sont en difficulté sentent que l’entreprise est à leur écoute, des schemes pour soutenir financièrement l’éducation des enfants des employés qui n’en ont pas les moyens, des schemes pour identifier et améliorer le housing dans les cas où les logements seraient à un niveau inacceptable, humainement parlant.
La plupart de ces suggestions ne sont pas très coûteuses. L’aide peut se faire à travers des prêts, ou même avec la participation d’autres employés. Si 2 500 entreprises à Maurice se mobilisent pour step up leurs engagements dans ce sens, les résultats seront palpables. Ansam nou kapav.