Sophie Desvaux de Marigny, Head of Sustainability du groupe ENL, est l’un des membres du jury du Test Drive 10 de la Turbine, qui est axé sur les Objectifs de développement durable (ODD). Elle partage, dans ce cadre, son expertise et son point de vue sur la manière dont l’entrepreneuriat durable peut servir de catalyseur pour atteindre ces objectifs tout en mettant en avant l’importance de faire preuve d’innovation et d’avoir un impact positif dans les projets entrepreneuriaux.
Pouvez-vous nous expliquer le rôle du groupe ENL en tant que sponsor du Test Drive 10 et comment cela s’aligne avec les Objectifs de développement durable (ODD) ?
Avec sa Sustainability Roadmap 2030, le groupe ENL s’est positionné sur cinq piliers, qui sont alignés sur les ODD et stratégiques pour ses opérations ainsi que ses parties prenantes. Ils sont : la transition énergétique, une chaîne de valeur responsable, la protection de la biodiversité, une communauté épanouie et une croissance inclusive.
C’était une évidence pour nous de soutenir le Test Drive 10, car toutes les initiatives qui contribuent à une île Maurice plus verte et plus inclusive méritent d’être soutenues.
Quels sont les critères ou les objectifs spécifiques que vous allez rechercher en tant que membre du jury lors de ce Test Drive ?
L’impact et la contribution à un ou plusieurs des ODD sont les premiers critères que je rechercherai. J’attache aussi beaucoup d’importance au caractère innovant des projets et à leur transposabilité.
L'entrepreneuriat durable peut-il être un catalyseur du changement systémique nécessaire pour aborder les enjeux environnementaux et sociaux majeurs ? Si oui, comment ?
Plutôt que de voir les enjeux environnementaux et sociaux comme des problèmes ou des contraintes, l’entreprise durable intègre ces considérations dans son modèle d’affaires dès le début et lorsque ça marche, elle devient une force qui influence son écosystème de plusieurs façons :
Quelles sont les principales barrières auxquelles sont confrontés les entrepreneurs souhaitant intégrer la durabilité dans leurs activités ?
La principale barrière qui me vient à l’esprit est la contrainte financière : le coût initial pour mettre en œuvre des pratiques durables est souvent élevé, ce qui peut dissuader les entrepreneurs qui opèrent avec des ressources limitées. Pour la surmonter, la solution reste les incitations financières (grants, crowd funding, prêts à taux réduit ou allégements fiscaux), mais aussi des partenariats stratégiques, comme mentionné plus haut.
Je pense également à la maturité des chaînes d’approvisionnement, qui peut compliquer l’intégration de la durabilité (lorsque les fournisseurs et partenaires ne partagent pas la même vision). Cela demande plus d’efforts de conscientisation pour encourager l’adoption de pratiques durables.
Enfin, l’absence de cadre réglementaire (notamment sur la gestion des déchets et le recyclage) ou les lourdeurs administratives pour l’obtention de permis peuvent décourager les entrepreneurs de s’engager dans des pratiques durables.
Est-ce plus simple pour des start-up d’avoir une démarche durable que pour des entreprises déjà établies ?
Oui et non. Si une start-up démarre avec un business model lié à la soutenabilité, c’est souvent plus simple que de repenser son entreprise à travers ce prisme, car le changement est souvent lent et lourd. En revanche, une entreprise déjà établie a souvent les reins plus solides et un écosystème en place, ce qui aide lors d’une réorientation stratégique.
Comment peut-on réellement « mesurer » la durabilité au sein d’une entreprise ou d’un projet entrepreneurial et quels sont les indicateurs clés ?
Au-delà de la rentabilité financière (retour sur investissement, croissance des revenus, etc.) qui, constitue le premier critère de durabilité du business, je listerais trois types d’indicateurs :
Premièrement, l’impact social, c’est-à-dire les conditions de travail, la diversité, l’inclusion et la sécurité des employés démontrent comment l’entreprise contribue au progrès de sa communauté.
Une seconde mesure serait l’économie circulaire. On peut se pencher, d’une part, sur le nombre de partenaires et de fournisseurs qu’une entreprise engage dans des pratiques durables et de l’autre, sur comment elle utilise ses matériaux et gère ses déchets.
Enfin, des indicateurs liés à l’innovation et à la recherche témoigneraient de l’engagement de l’entreprise pour le développement de solutions durables et de sa compétitivité à long terme.
Quelles sont les tendances émergentes ou les innovations technologiques qui sont susceptibles de révolutionner l’entrepreneuriat durable dans les années à venir ?
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle aide les entreprises à analyser de grandes quantités de données pour optimiser leurs opérations et leur chaine d’approvisionnement, entre autres.
Les innovations dans la capture et le stockage du carbone sont aussi essentielles pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Et la blockchain nous permet de suivre – et de vérifier – la provenance des matériaux utilisés dans la manufacture, contribuant ainsi à une chaîne d’approvisionnement responsable.
Enfin, quel message aimeriez-vous transmettre aux entrepreneurs et aux investisseurs qui cherchent à s’engager dans l’entrepreneuriat durable en tant que moteur de changement positif ?
Bien sûr, il faut de la résilience, car tout ce qui est nouveau n’est pas toujours positivement accueilli. Aussi, je crois que le réseautage est clé dans ce secteur : c’est un peu comme une blockchain, chacun détient une pièce du puzzle, donc ne ratez aucune occasion de partager et de demander des conseils aux autres. C’est du choc des idées que naît la lumière !